The Black is light
L’expo Jean-Pierre Craninx
Monochromatique ou presque.
» The Black is light » est une exposition mettant en scène les créations de Jean-Pierre Craninx, un artiste peintre abstrait adepte de la peinture monochromatique noire (à la base). Cet artiste liégeois, diplômé de la Haute Ecole Supérieure des Beaux-arts, en arts plastiques, visuels et de l’espace, est en recherche permanente de nouveauté et d’évolution.
THE BLACK IS LIGHT
Jean-Pierre Craninx
« The Black is light »,
une exposition évolutive.
Structure, matière et lumière.
Friand de stages de perfectionnements en techniques diverses, cet ancien professeur de design et technologies, se consacre aujourd’hui pleinement à la peinture abstraite. Sa référence principale est Pierre Soulages mais également, à titre subsidiaire, James Austin Murray, Gerhard Richter ou encore Giancarlo Bargoni. Il ne se donne aucune limite technique pour créer « ses » noirs. L’acrylique est principalement utilisé mais aussi l’époxy, l’huile, le goudron, les enduits minéraux … Les effets structurés, de matières, font également l’objet d’une attention particulière dans son œuvre. Il peut ainsi mettre en vibration plusieurs noirs côte à côte et pourtant bien distincts. Son travail est véritablement « artypique » car, pour lui, la lumière fait partie intégrante de l’œuvre et participe à la multiplication sans fin de celle-ci. Un univers à part et surprenant qui a évoluer au fil des semaines de l’exposition, laissant place à la mise en avant des couleurs magnifiées par les différentes techniques de noirs. Quel plaisir pour Evazio et son équipe de partager ces moments de transformation dans le travail d’un artiste.
La démarche.
« Un peintre c’est quelqu’un qui essuie la vitre entre le monde et nous avec de la lumière, avec un chiffon de lumière imbibé de silence ».
Christian Bobin.
Je me définis comme étant un peintre abstrait de la lumière et de toutes les déclinaisons possibles du noir.
J’aborde cette thématique sans préjugé, en rejetant l’image trop souvent négative véhiculée par la couleur noire si régulièrement associée dans nos contrées à la mélancolie, la tristesse, la mort.
Ce n’est pourtant pas le cas partout dans le monde. Aujourd’hui encore, dans une partie de l’Asie et de l’Afrique, c’est le blanc qui est couleur de deuil car il évoque la pâleur du mort.
Par le passé, dans l’ancienne Egypte, le noir était associé à la terre cultivable, plus précisément au limon, alluvion très riche du Nil qui permettait la culture des céréales nécessaires à la vie. Durant plusieurs millénaires le noir y était symbole de vie et non de mort.
Je suis né en Hesbaye, région agricole de Belgique, elle-même réputée pour son limon. Mes racines sont profondément implantées dans cette « bonne » terre noire assimilée dans mon terroir à la richesse, la fertilité. On comprendra aisément que je partage ce même attachement symbolique et culturel fort qu’avaient déjà ces anciens égyptiens.
Mon attirance pour le noir résulte également du fait qu’il est duel. Il peut exister sous deux formes quasiment opposées. L’une d’elles est l’absence de tout, en ce compris de la lumière ; nous avons alors affaire au néant, au vide, à l’abîme. L’autre noir est couleur, il est perceptible cette fois par le fait que la lumière, symbole de vie et de présence divine, peut s’y réfléchir. En présence d’un noir très brillant et profond, on peut même y distinguer l’environnement s’y refléter. Il est le seul à disposer de ces propriétés ambigües le rendant unique, incomparable.
Grâce aux récentes évolutions technologiques, l’artiste dispose désormais de matières pigmentaires (par exemple les nanotubes de carbone) et de médiums lui permettant d’exprimer à la fois la présence et l’absence de lumière. Il lui est maintenant possible de faire usage de noirs soit très brillants, soit très absorbants. Cette dualité peut ainsi être exploitée par l’auteur dans des compositions artistiques impossibles à réaliser il y a encore quelques années. Par l’usage des matières picturales noires actuelles on peut, bien mieux que par le passé, mettre la lumière en scène, la sublimer, la rendre évidente, présente, presque palpable.
Plus encore qu’avec les autres couleurs, on peut aussi, grâce à une utilisation judicieuse du noir, donner des facultés transformistes au tableau. Pour y parvenir il sera nécessaire de maîtriser les effets de matières, de reliefs, de textures, bref de donner une envergure sculpturale à la peinture, de lui apporter la troisième dimension.
Dans ces conditions, Il suffira de changer, ne fut-ce que très légèrement, les caractéristiques de l’éclairage ou la position de l’observateur et la métamorphose s’opèrera aussitôt. Le tableau ne sera jamais identique, il restera en constante mutation, au gré d’une multitude de critères, de circonstances ne pouvant se répéter que par le plus grand des hasards.
C’est aussi, indubitablement, ce qui explique mon attrait pour cette couleur.
L’artiste Pierre Soulages fit ces découvertes il y a de cela déjà plusieurs années. Il nous les présente dans son œuvre de superbe façon. Je considère qu’il a ainsi ouvert une voie, une véritable école (même s’il s’en défend…) à laquelle je ne peux m’empêcher d’adhérer.
Ce sera cependant la seule ressemblance qu’on pourra reconnaître dans notre travail respectif, ma démarche n’étant pas comparable à celle de Pierre Soulages. En effet, contrairement à ce dernier, ma nature, ma formation peut-être (études supérieures des beaux-arts), m’impose d’imaginer l’essentiel de mon tableau à l’origine. Ce dernier est, dans sa globalité, construit, pensé, préparé dans mon esprit avant sa réalisation. Au commencement d’un tableau, je laisse peu de place à l’improvisation.
En cette phase préparatoire, je me sens cette fois proche du mouvement « De Sijl », aujourd’hui disparu. Les artistes très cartésiens qui en faisaient partie, tels que Théo Van Doesburg et le plus connu Piet Mondrian, accordaient beaucoup d’importance à leur grammaire graphique très stricte qui rejetaient les superflus afin de transposer la pureté simple, les fondamentaux du monde qui nous entourent. L’abstraction géométrique minimaliste proche du cubisme qui en découle est, pour moi, fascinante.
Cependant, à l’instar du noir, on ne s’en étonnera pas, ma personnalité est également « duelle ». Force est de constater que malgré une ébauche préalablement imaginée, construite, je ne peux me départir d’une certaine proportion d’improvisation, de spontanéité, d’exaltation incontrôlée, tant dans la composition initiale que dans l’exécution du tableau.
Au début de mon cheminement d’artiste, je scindais ces deux manières d’appréhender la peinture abstraite. Le tableau était réalisé exclusivement, soit en abstraction lyrique, soit en abstraction géométrique. On pouvait juste, sans que cela ne soit raisonné, distinguer une légère influence de l’un dans l’autre.
Aujourd’hui, mon travail consiste à rapprocher, de manière plus évidente, ces deux langages graphiques au sein d’un même tableau afin d’être en parfait accord avec mon identité profonde.
Pour y arriver, je me permets d’utiliser ponctuellement mais de manière non prédominante, une, voire deux couleurs primaires en complément du noir. Ce dernier, quant à lui, est régulièrement décliné en quelques variations bien distinctes et contrastées. Se révèle alors une autre propriété fascinante du noir qui me captive : ce dernier a la faculté extraordinaire de sublimer les autres couleurs qui le côtoient…
Le tableau acquiert alors une présence complémentaire, magistrale. Il prend véritablement vie grâce au noir, à la couleur et à la lumière.
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